J’explore mon clavier : la touche croisillon que l’on prend pour un dièse

C’est bien connu : l’habit ne fait pas le moine et les signes sont parfois trompeurs. Voyez par exemple votre touche «3» qui porte aussi le signe des guillemets et celle dite du « dièse » que l’on obtient avec la touche AltGr (Alternate Graphic). S’agit-il vraiment d’un dièse ? Nenni ! Rajustez vos lorgnons et vous constaterez que le dièse est différent du signe de votre clavier. Jugez plutôt :

♯ : dièse

# : croisillon

Alors, vous la voyez maintenant la différence ? Répondez-nous en commentant cet article.

Le caractère qui figure vraiment sur la touche «3» porte donc le joli nom de croisillon. On le nomme ainsi car il représente deux croix obtenues par l’intersection de deux lignes horizontales et de deux lignes obliques. Dans un registre plus coquin, ce signe nous rappelle un peu ceux des corsets à lacets de nos tri-aïeules ou, plus loin encore, de la Goulue !

Origine et utilisation du croisillon

Hash pour les Anglais et pound pour les Américains

Les noms attribués au croisillon sont nombreux dans les pays anglo-saxons qui ont probablement été les premiers à utiliser massivement ce caractère. Les appellations les plus répandues sont : hash (GB), pound sign, number sign plus une foultitude d’autres noms parfois très singuliers comme par exemple octothorpe et sa variante octothorn.
Aux Etats-Unis, le croisillon désigne le terme number (nombre) ou représente le symbole de l’unité de poids pound qu’on exprime soit avec l’abréviation lb soit avec le caractère du croisillon #. Il faut comprendre que le terme pound est une adaptation germanique du latin libra pondo. Libra désigne à la fois la livre romaine (l’unité de mesure qu’on utilise encore en France comme équivalent de 500 grammes) et la balance romaine que l’on trouve encore sur certains marchés à travers le monde.
Pour ne pas confondre l’unité de poids avec la monnaie anglaise (symbole £) – qui portent toutes deux le nom de pound –, il a été adopté l’abréviation de libra (notée lb ou #). Au pluriel lb devient lbs.

Autre domaine d’utilisation du croisillon dans le monde anglo-saxon, celui de la téléphonie. Si vous êtes anglais vous direz, en parlant du cadran de votre téléphone, « press hash » pour dire «appuyez sur la touche dièse». Si vous habitez le pays de l’Oncle Sam, vous direz en revanche « press pound« .

Les Américains utilisent souvent le croisillon pour signifier un ordinal correspondant à un numéro. Par exemple, au lieu de numéroter avec la notation No, comme le font les Anglais dans Malher Symphony No 5 (équivalent à notre N°), les Américains noteront Malher Symphony #5.
On trouve souvent cet emploi dans le domaine du cinéma et de la télévision pour désigner un épisode ou pour dissocier un figurant d’un autre dans un générique. Par exemple, dans un film de guerre US, on pourra trouver :

Soldat #1

Soldat #2

Soldat #…

A l’heure de l’Internet et de la mondialisation, cet usage américain a déteint sur les jeunes Français qui l’ont largement adopté, comme le versus latin utilisé dans sa forme abrégée vs. dans le domaine du sport, par exemple.

Les Français : toujours cartésiens et un tantinet joueurs !

L’utilisation du croisillon en français est plutôt confidentielle. Elle se cantonne aux mathématiques où il représente le cardinal d’un ensemble qu’on peut noter justement :

Card(nom de l’ensemble) ou #nom de l’ensemble

Exemple : Card(A) ou #A. Nos amis anglophones l’utilise

Enfin, les joueurs d’échec qui utilisent la notation algébrique connaissent bien le croisillon, car il correspond à l’échec et mat.

Pour connaître d’autres noms du croisillon en anglais et en français, consulter cette page du site Au domicile des mots dits et écrits.

Des hashtags en forme de mots-dièses

Si le croisillon était tombé en léthargie pendant des lustres, la volaille et ses innombrables pépillements l’ont brutalement sorti de sa torpeur ces dernières années. Comment ? Avec les fameux hashtags, pardi ! Une façon à la Twitter de mettre des occurrences en mots-clés, c’est-à-dire en valeur. Mais comme nous sommes en France, nos lexicologues et autres immortels, définitivement à l’Ouest de l’Amérique du Nord, nous ont concocté un superbe monstre dont ils ont le secret. Après l’inénarrable mél, ils ont sorti de leur caboche bien imbibée (à croire que leurs séances prandiales sont toujours très arrosées) le mot-dièse que la twitto et la blogosphère maudissent déjà sans ambages.

Maintenant que vous en savez long sur la question, vous pourrez leur lancer au visage que leur mot-dièse n’est autre en réalité qu’un simple mot-croisillon. Pour ma part, je suis impatient qu’une plateforme nous serve prochainement des hacktags, ce qui serait bien plus attrayant.

Hashtag, mot-dièse ou mot-croisillon ?

2 Commentaires

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2 réponses à “J’explore mon clavier : la touche croisillon que l’on prend pour un dièse

  1. C’est en relisant la Posologie du logiciel correcteur orthographique Antidote (de Druide) que je me suis rendu compte de l’existence du dièse et du croisillon, que je confondais à cause de l’influence de l’Américain. Cela souligne que même avec une expérience de plus de 40 ans en traduction, on ne connait pas forcément tous les détails de la langue. Comme on dit,  » Plus on apprend et plus on s’aperçoit qu’il y a encore beaucoup de choses à apprendre. »

  2. Eh oui, les enseignements des touches du clavier sont nombreuses et elles nous font voyager, parfois très loin. Je prépare plusieurs articles sur d’autres touches qui valent le détour. Peut-être y aura-t-il encore matière pour vous à découverte ? Pour vous qui êtes dans la traduction, un caractère mérite qu’on s’y arrête : il s’agit du caret (touche du 9 et du « c » cédille). Il est connu dans le secteur de l’édition et de la presse aux Etats-Unis notamment. En France, il est tombé en désuétude et a été remplacé par le lambda de correction. A suivre donc.

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